Grandes gagnantes, catégorie 1e et 2e secondaires (Bourses d’écriture de 300$) :

Sarah Roussel, école secondaire du Mistral, Mont-Joli, Commission scolaire des Phares

Sarah Roussel en compagnie

de Jean Bélanger, Maire de

Mont-Joli.

Le calepin meurtrier

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant. Quelle ne fut pas sa surprise, une fois à l'intérieur du tronc, de découvrir non pas des racines, mais une ville grouillante de personnages tous aussi étranges les uns que les autres! Apercevant la créature qui lui avait soutiré le calepin, elle se mit à sa poursuite. La créature l'attira en un lieu sombre et lugubre, c'était une ruelle aux effluves nauséabonds. Aucune issue possible. La bête montrait à présent ses crocs affilés comme des lames de rasoir et ses yeux d'un vert perçant illuminaient la noirceur dans laquelle ils étaient plongés.

La détective avait la réputation de n'avoir peur de rien, cependant elle ravala sa salive devant l'immonde animal. Prenant son courage à deux mains, elle signifia par des gestes qu'elle voulait ravoir son calepin. La bête fit comprendre sa détermination à vouloir garder l'objet en fronçant les sourcils. Tartelette effectua un pas en avant, mais la bête riposta par un grognement qui cloua la détective sur place. Les idées se mirent à affluer rapidement dans sa tête, elle se demandait comment agir. Elle décida finalement d'employer une manière plus douce et prononça les paroles suivantes : « S'il te plaît, donne-moi ce calepin ». L'animal se ressaisit et lui parla le même langage :

- Pourquoi noter l'emplacement des arbres malades ou âgés dans ton calepin?

– Le directeur, monsieur Reford, a demandé de dresser la liste de ces arbres afin qu'ils soient abattus pour le bien des visiteurs des Jardins de Métis.

L'animal s'exclama d'un rire sinistre.

– Pour le bien des visiteurs, c'est bien beau tout cela, mais vous ne vous êtes jamais demandé ce qui se passait à l'intérieur des arbres centenaires.

– à vrai dire, je n'étais pas au courant qu'il puisse y avoir une forme de vie quelconque dans ces vieux troncs.

– C'est dans les plus vieux arbres que les colonies écovégétatives protectrices de la nature se sont établies. Nous compostons l'intérieur de ces arbres et nous transportons ensuite l'engrais qui servira de fertilisant pour les jardins. Si vous décidez de poursuivre dans cette veine, vous détruirez la flore en ces lieux et notre monde par le fait même.

Tartelette ne prononça aucune parole, elle se contenta de reprendre le calepin, de sortir du creux de l'arbre. Elle serra l'objet dans ses mains et le déchira.

Ève Collin, école Boijoli, Saint-Narcisse, Commission scolaire des Phares

ève Collin en compagnie de

Mado Dugas, directrice

générale adjointe et

directrice des services

éducatifs de la Commission

scolaire des Phares

Vandalisme aux jardins

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant.

Quelques jours plus tôt, Jeanne Tartelette, détective professionnelle, avait été mise sur une enquête de vandalisme aux Jardins de Métis. En effet, les fleurs étaient cassées, dépourvues de toute beauté. Les propriétaires des jardins, Marc et Laurie, avaient peur que cet endroit très visité par les touristes fasse faillite.

Pour commencer son enquête, Jeanne alla rencontrer trois jeunes adolescents. Ils figuraient dans sa liste de suspects parce qu'ils avaient déjà fait plus d'un mauvais coup auparavant. Arrivée au parc municipal où ils étaient toujours, elle leur posa des questions dont elle nota les réponses. Si on se fiait à ce qu'ils disaient, ce n'était pas eux, car ils devaient toujours rentrer chez eux à neuf heures. Le vandalisme se faisait toujours après cette heure, quand il n'y avait plus personne aux jardins. Moins trois suspects.

Le lendemain, Jeanne demanda aux propriétaires une liste des dix employés. Après tout, ils voudraient peut-être prendre la place de Marc et Laurie. La détective était convaincue que les trois premiers étaient innocents. Le quatrième employé n'était là que deux soirs par semaine. C'était donc impossible que ce soit lui, car le vandalisme se produisait tous les soirs.

Lorsqu'elle interrogea les six autres, elle sut que ce n'était pas eux, car ils étaient de grands amis des propriétaires, alors pourquoi voudraient-ils leur faire du mal? Moins dix suspects.

Ne sachant plus quoi faire, Jeanne partit avec un café au parc près de chez elle, dans la forêt, pour réfléchir aux suspects. Qui voudrait détruire la végétation de ces jardins?

C'est précisément à ce moment-là qu'elle vit un raton laveur plein de terre et de fleurs entre les pattes se faufiler dans un arbre. Ce pour quoi, elle suivit la bête qui donna les insectes à ses bébés. Les insectes, Jeanne les reconnaissait, elle en avait plein dans sa plate-bande. C'était donc lui qui entrait dans les jardins pour prendre de la nourriture et détruisait les fleurs sur son passage! Elle partit raconter tout ça aux propriétaires.

Deux semaines plus tard, les ratons laveurs furent mis dans une cage aux jardins. Les fleurs se mirent à être aussi belles, même plus qu'avant, et le nombre de visiteurs grimpa en flèche. Et Jeanne Tartelette eut droit à quelques spécimens rares des Jardins de Métis...

 

Catherine Bouchard, école La Source, Les Hauteurs, Commission scolaire des Phares

Catherine Bouchard en

compagnie de Lyne Arguin, du

Réseau Biblio du Bas-Saint-

Laurent

Une enquête étrange

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant. Quelques minutes avant d'entamer cette aventure palpitante, Tartelette avait observé attentivement le vaste territoire forestier qui lui était confié. Malgré le crépuscule, elle avait distingué avec précision les nombreuses feuilles multicolores qui tapissaient le sol humide. Avec son sixième sens, elle percevait le moindre bruit inhabituel. Depuis le début de sa carrière, Tartelette travaillait sur une enquête nébuleuse. L'enquêteuse devait retrouver une jeune enfant disparue, depuis fort longtemps, dans des circonstances vagues et incompréhensibles. La jeune femme investissait tout son temps et ses énergies pour élucider le mystère. Recherchant des indices utiles, elle y mettait tout son cœur et explorait les moindres recoins de cette forêt.

Soudain, une intrigante bête noire piqua sa curiosité et la détective s'aventura derrière elle dans le creux de l'arbre en vue de satisfaire sa curiosité. En une fraction de seconde, Tartelette fut projetée dans un monde inconnu. C'était inévitablement une époque lointaine, un retour dans le temps.

L'agente s'interrogea sérieusement. Complètement stupéfaite, elle réalisa rapidement que l'animal l'avait transportée vers des indices importants pour ses recherches. Bizarrement, au loin, elle entendit des cris et des pleurs d'enfants. Cette cacophonie lui mit immédiatement la puce à l'oreille. Elle marcha dans tous les sens, trébucha à plusieurs reprises et termina sa course dans une rivière agitée. Pendant de longues minutes, elle se débattit de toutes ses forces. L'air n'arrivait plus à atteindre ses poumons. Paniquée, elle s'accrocha fermement à un rocher avec beaucoup de difficulté. Par la suite, un gigantesque courant d'air, une véritable tornade, balaya Tartelette et la souleva jusqu'au sol accidenté. Après un court instant, elle reprit ses esprits et se rendit jusqu'au lieu bruyant ayant suscité son intérêt. C'était une scène indescriptible, une sorte de cauchemar.

Alors, une alarme stridente l'agressa. Tartelette ouvrit les yeux, regarda le réveille-matin et partit travailler avec son Labrador noir dans l'intention de reprendre son enquête policière.

Gagnantes, catégorie 1e et 2e secondaire (Bourses d’écriture de 200$) :

 

Léonnie Bérubé, école émile-Dubé, Saint-Adelme, Commission scolaire des Monts-et-Marées

Léonnie Bérubé en

compagnie de Sandra

Théberge, directrice, adjointe

des Services éducatifs de

La Commission scolaire

des Monts-et-Marées

Le jardin secret

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant. Elle regarda à l'intérieur. Le creux de l'arbre contenait un jardin magique. Elle voyait des fées transporter des baies et des lutins qui arrosaient des fruits et des légumes. Chacun d'eux était occupé à bien entretenir ce jardin.
Quelqu'un arriva derrière elle.

— Que faites-vous donc là? lui demanda le jeune homme.

— Il y a un jardin magique dans le creux de cet arbre, répondit-elle.

L'homme regarda, mais ne vit rien. Tartelette regarda à son tour. Tout avait disparu.
Pendant la nuit, Tartelette repensa à ce qu'elle avait vu. Cela n'était-il que le fruit de son imagination?

Tartelette retourna à l'arbre. Tout y était revenu, mais les êtres dormaient profondément. Tartelette voulut se rapprocher et se retrouva dans le jardin magique réveillant les petits êtres. Elle se présenta et leur dit qu'elle ne leur voulait aucun mal. Une petite fée s'approcha de Tartelette et lui demanda :

— Tu veux que je te fasse visiter le jardin?

Tartelette accepta et la suivit. Au bout du jardin, il y avait une grande muraille cadenassée.

— ça, c'est la grande muraille, lui dit la fée. De l'autre côté se trouvent notre village et nos familles. Nous vivions là, il n'y a pas si longtemps, mais un sorcier s'est emparé du village. Carkasitune, notre grand maître, a réussi à nous envoyer ici pour nous protéger. Il fut malheureusement tué par la suite. Ces dernières paroles furent : « La clef se trouve dans notre cœur ».

La détective alla décapiter tous les légumes du jardin pour y chercher la clef. Mais rien... Au matin, les villageois étaient frustrés de voir qu'il n'y avait plus de légumes. La détective s'excusa un million de fois pour cette erreur. Plus tard, alors qu'elle plantait des graines, une idée lui vint. Au centre du jardin se trouvait un gros champignon. Elle fouilla partout dans la chair jusqu'à ce qu'elle entende un bruit. La clef venait de tomber au sol! Tartelette s'empressa d'ouvrir la muraille. Une lumière vive l'obligea à fermer les yeux. Lorsqu'elle les ouvrit, elle était au pied de l'arbre avec dans la main et un petit mot qui disait : « Merci! »

Aube Lévesque-Sirois, école Boijoli, Saint-Narcisse, Commission scolaire des Phares

Aube Lévesque-Sirois

en compagnie de Daniel

Langlais, directeur général

du Carrefour jeunesse

emploi de La Mitis

Mais où sont-elles passées?

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant. Et oui, dès qu'elle aperçut cette petite bête, elle se lança à sa poursuite et avec difficulté, elle se retrouva dans cet arbre. En fait, Tartelette ne savait pas vraiment où elle était, car disons que c'était plutôt étrange.

Malgré la noirceur du gigantesque réseau de tunnels souterrains, elle réussit à se guider. Après quelques pas, une tanière attira son attention. En entrant dans celle-ci, Tartelette fut bien vite accueillie par une charmante tortue. Surprise, celle-ci demanda à l'enquêteuse ce qu'une humaine pouvait bien faire là. La détective lui expliqua alors qu'elle avait été engagée par le propriétaire du golf pour enquêter sur des disparitions de balles de golf. Tartelette lui demanda si elle avait des indices à lui donner. La tortue lui répondit qu'elle était trop préoccupée par l'éclosion de ses œufs pour commettre un vol pareil. L'humaine découvrit alors que l'animal ne couvait pas des œufs, mais bel et bien des balles de golf. Sans rien lui dire, la détective retourna dans les tunnels pour poursuivre son investigation.

Au début, dans les tunnels, rien ne semblait anormal jusqu'à ce qu'elle trouve un morceau de coquille d'œuf. Intriguée, elle se remit en route afin de trouver de nouveaux indices. Sur son chemin, la détective vit des touffes de poils et des fragments de coquilles. Elle en vit à chaque pas qu'elle faisait. Soudainement, Tartelette aperçut une bête courir et elle fit de même. Après les cinq minutes les plus longues de sa vie, elle s'arrêta exaspérée et à bout de souffle. Après cette course folle, elle se dit qu'il était plus sage de remonter à la surface pour prendre un peu de repos.

Mais dès qu'elle mit le pied sur la terre ferme, Tartelette constata quelque chose d'extraordinaire : une invasion de tortues se trouvait là devant elle. Sous ses yeux, des milliards de bébés tortues gisaient sur le sol et il y en avait à perte de vue. Ce jour-là, en plus des bébés tortues, un nouveau mystère venait d'éclore pour Tartelette...

Laurence Soucy, école Secondaire La Pocatière, La Pocatière, Commission scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup

Laurence Soucy en

compagnie d'Alexander

Reford, président du CLAC et

directeur des Jardins de

Métis

L'écorce fabuleuse

En voyant la bête se faufiler dans le creux de l'arbre, la détective Tartelette ne put s'empêcher d'en faire autant. Elle voyait souvent ce petit écureuil entrer dans le creux de cet arbre. Il y avait même plusieurs animaux de toutes sortes qui disparaissaient dans le trou. Même les bêtes plus grosses s'y aventuraient et on ne les voyait jamais en ressortir. Lorsque la détective s'approcha du petit arbre, elle glissa sa tête dans le creux de celui-ci. Puis, l'écorce s'élargit d'une largeur suffisante pour y entrer. Trop intriguée, Mme Tartelette décida de s'y engager.

Lorsqu'elle fut entièrement entrée dans l'arbre, la détective tomba dans un long couloir de terre à la verticale. Là se trouvaient des dizaines d'animaux sauvages et domestiques, tous surpris de l'arrivée de cette jeune femme. Voulant sortir de cet endroit assez étrange au plus vite, elle essaya de grimper la paroi de terre.

« N'essaye pas de sortir par là », dit le mignon petit raton-laveur près de Mme Tartelette. La sortie est plus loin. »

étonnée d'entendre cette drôle de bête parler, elle lui demanda : « Où est-elle? Où? Où?

- Calmez-vous! Calmez-vous! Nous ne sommes pas méchants du tout, vous savez. Je peux vous conduire à la sortie, mais seulement si vous nous promettez de ne révéler à personne notre cachette, dit le raton d'une voix un peu trop aiguë.

- OK. Mais pourquoi est-ce que vous vous cachez ici? demanda la détective.

- L'écorce de cet arbre est magique. Elle s'ouvre seulement lorsqu'on glisse sa tête dans le creux. Personne jusqu'à maintenant n'était venu ici à part toi, ce qui est bien, car on aimerait mieux que ça reste secret. Nous, les animaux, on vient se réfugier ici lorsqu'on en ressent le besoin. La pollution nous affecte beaucoup. Le climat, l'air et la nourriture en souffrent aussi tandis qu'ici la température est parfaite, l'air est frais et nous apportons nos réserves de nourriture. C'est pourquoi on vient ici. On se sent mieux... Alors vous pouvez sortir par la sortie à votre gauche. Bye! »

Mme Tartelette comprenait maintenant pourquoi tant d'animaux allaient se réfugier au fond du creux de l'arbre. Elle repartit heureuse d'avoir compris ce qui la tracassait depuis des semaines, mais quand même déçue de savoir que la pollution touchait autant les animaux.

Cet arbre ayant une écorce magique cachait-il autre chose? La détective n'allait certainement pas rester là à ne rien faire. Elle allait commencer des recherches...

Grande gagnante, catégorie 5e secondaires (Bourse d’écriture Télé-Québec de 300$) :

Vanessa Bouffard-Thibault, école secondaire Armand-Saint-Onge, Amqui, Commission scolaire des Monts-et-Marées

Vannessa Bouffard-Thibault

en compagnie de Diane

Dubé, coordonnatrice du

Bureau régional de

Télé-Québec

Les leçons de la vie

Elle reprit son souffle sous le pommier en fleurs. « Si seulement les ronces n'avaient pas déchiré ma robe. »

Ovia reprit sa longue et dure ascension vers le sommet, plongée dans ses pensées. Le sentier était escarpé pour ses vieilles jambes et le jardin du Sage se trouvait encore loin au-dessus d'elle. Elle s'y rendait pour vendre des herbes médicinales avec, sur le coeur, le chagrin et le désespoir. Sa robe si importante était en pièces.

La dame âgée avait passé toute son existence à la confectionner. Chaque bout de tissu cousu minutieusement et patiemment avait sa signification. Elle prit un morceau entre ses doigts parcheminés et s'enfonça dans ses souvenirs.

Elle était une fillette, friande d'aventures et de découvertes. Elle aimait se coucher dans l'herbe et admirer le ciel. Un jour, la petite Ovia avait demandé à son grand-père :

« Pourquoi les nuages bougent-ils?

-- Parce qu'ils explorent le monde, avait-il dit. Ils voient tout et apprennent. »

Il en avait alors saisi un au passage qu'il lui avait donné. Cette petite boule de ouate avait été la naissance de sa robe.

Chemin faisant, l'aînée sourit malgré sa tristesse et enjamba un pont. Son vieux temps lui paraissait si beau. Elle caressa une autre partie de son vêtement et s'immergea une seconde fois dans son passé.

Elle était une adolescente vive et attentionnée. C'est en gambadant dans les champs qu'elle avait rencontré Alexandre. Le sourire qu'ils avaient échangé avait l'éclat des couleurs chatoyantes des papillons qui voltigeaient autour de sa tête. Plus tard, la jeune fille avait récolté leurs ailes soyeuses, la joie, qu'elle avait cousues à sa robe.

Ovia s'arrêta quelques instants pour admirer le magnifique paysage. Elle toucha à sa tenue et se souvint.

Quelques mois plus tard, Alexandre et Ovia se promenaient dans les bois, accompagnés de la douce brise. Elle lui avait dit :

« écoute la calme mélodie que joue le vent dans les feuilles.

- Moi, il me dévoile des secrets, lui avait-il répondu. Il me dit la vérité. »

Elle avait alors attrapé un tourbillon d'air, l'honnêteté, qu'elle avait ajouté à sa robe.

La vieille femme s'approchait de sa destination. Elle effleura son vêtement du bout des doigts.

Cette fois-là, elle s'admirait dans un ruisseau. Alexandre l'avait rejointe et lui avait murmuré :

« Tu es magnifique, autant à l'extérieur que dans ton coeur. »

Elle avait ri et cueilli les reflets de l'eau, la simplicité et le <<respaix>>, qu'elle avait placés à sa tenue.

L'aînée atteignit enfin l'entrée du jardin et replongea une dernière fois dans sa mémoire.

Elle était désormais devenue une jeune femme épanouie. Sous un ciel étoilé, elle avait enfin connu la flamme. Elle avait alors décroché une myriade d'étoiles, l'amour, qu'elle avait mis à son trésor.

Ovia pénétra dans l'enceinte du jardin les larmes aux yeux et porta son panier au Sage.

« Pourquoi la nature est-elle si cruelle? »

Sa robe symbolisait la joie, le bonheur, le <<respaix>>, autant que l'angoisse et la peur. Maintenant, elle était en pièces. Le Sage, en voyant sa détresse, la prit dans ses bras et lui chuchota :

« Le passé est passé. Puises-y la sagesse, mais regarde en avant. »

Son vêtement représentait les leçons de la vie, celles nécessaires pour continuer à avancer. Toutefois, il lui manquait la plus importante et elle venait de la recevoir.

Gagnante, catégorie 3e et 4e secondaires (Bourse d’écriture de 200$) :

Hortence Beaudoin, école Paul-Hubert, Rimouski, Commission scolaire des Phares

Hortence Beaudoin en

compagnie d'Alain

Martineault, président de

La Société Nationale de

l'Est du Québec

Hortulano hominum

« On va finir par manquer d'oxygène », se dit le jardinier en voyant arriver le 50e conteneur sur lequel était inscrit : « Fragile : éléments vivants à l'intérieur ». Le monde avait bien changé depuis 2011. Plus rien n'était semblable. à partir de 2050, l'évolution de la planète avait roulé au quart de tour. Innovation sur innovation. On avait craint longtemps pour l'avenir de la Terre, souillée, polluée. Le réchauffement climatique avait opéré plus rapidement que prévu. Aucun scientifique n'avait su prévoir ce qu'il adviendrait. Que les eaux deviendraient denses et noires de détritus. Que le ciel serait plus glauque d'année en année et que, ainsi privés de lumière, des hectares de forêt seraient décimés. Que le nombre d'habitants deviendrait problématique à un tel point qu'on ne saurait plus où les placer sur la planète. Comment aurait-on pu prévoir de telles choses? Un changement radical devait s'opérer.

Le jardinier soupira. Il était vrai que la planète s'était reprise en main. Elle avait réussi tant bien que mal à éliminer en partie ce qui n'était pas naturel, ce qui était indésirable de sa surface. Avec un peu d'aide forcément. Aujourd'hui, la flore était à nouveau présente dans le paysage terrestre. Quantité d'espèces d'arbres étaient apparues, de même que pour les fleurs. Partout où notre regard se posait, on pouvait voir moult plantes, fleurs, bourgeons et fruits. De quoi former un nouvel éden, une nouvelle Gaia, une Terre Mère dénudée de presque toute trace d'oxygène.

« On va bientôt décharger le dernier conteneur, je vais avoir besoin d'aide! », lança le jardinier.

Ce gaz, autrefois vital n'était maintenant plus présent sur la planète Terre. Quelle plante en avait besoin de toute façon? Chacune d'elles ne consommait que du gaz carbonique. Rien d'autre. On envoyait donc les déchets vers une autre planète, ou encore on les entreposait pour le bien de la cause. Ne sait-on jamais? Les scientifiques se servaient de plus en plus du 8e élément du tableau périodique. Des expériences de tous genres se déroulaient sur Terre en ce moment dans un immense bâtiment au milieu de nulle part. La seule habitation existante sur le globe. C'était ce qu'il fallait pour sauver cette planète. Ils n'avaient pas le choix.

« Je ne comprends vraiment pas pourquoi les scientifiques tiennent autant à ce que l'on continue la culture de cette espèce, elle est totalement dénuée de conscience en plus d'être inutile depuis des années.

- Tu sais bien qu'ils s'en servent pour faire des tests. Et puis, de toute façon, ça ne nous regarde pas. Allez, ouvre la porte, je prépare les masques. »

Trois doigts fins se posèrent sur la poignée du conteneur. Les deux lourds pans de la porte s'ouvrirent silencieusement pour laisser entrevoir le fragile contenu. Là, tout au fond du conteneur, dans la noirceur, étaient entassés une centaine d'humains tremblants et aux regards effrayés. La dernière récolte.

Grands gagnants, catégorie cégep (Bourse d’étude de 1000$ de l’UQAR) :

Jimmy Poirier (ex aequo), Cégep de La Pocatière;

Jimmy Poirier

Le chemin d'améthyste

L'odeur de la terre mouillée s'éleva avec la brume jusqu'à ses narines; il en eut presque la nausée. L'enfant ouvrit les yeux. Tout était flou, comme s'il regardait à travers une fenêtre de glace. Il sentit un parfum qu'il connaissait; le même qui flottait dans le jardin autrefois, lorsque sa mère cultivait les roses. Elle avait des doigts de fée, longs et effilés, qu'elle laissait courir sur les roses et leurs tiges, sans jamais se piquer. Il se souvint de l'accident, de sa mère qui semblait dormir sous le drap blanc, des larmes tièdes qui avaient coulé sur ses joues lorsqu'il avait vu la grande boite de bois s'enfoncer dans le sol. Il se rappela des jours sombres qui avaient suivi, de la pluie et des nuages qui survolaient la ville, des roses qui se fanèrent pour la dernière fois. L'année suivante, son père avait transformé le jardin en une cour où seul le gazon poussait.

Quelques brins d'herbe glissèrent entre ses petits doigts et il comprit qu'il était couché à même le sol. Il eut soudain très peur. Il se sentait loin de son père, de sa maison, de son ourson Sam que lui avait offert sa grand-mère, alors qu'il était encore au berceau.

Lorsqu'il était effrayé autrefois, quand des ombres rampaient sur les murs de sa chambre la nuit, sa mère lui disait de fermer les yeux et d'attendre un moment, le temps que les craintes se dissipent et que les silhouettes inquiétantes s'envolent. C'est ce que l'enfant fit.

Une image surgit soudain de sa mémoire : c'était sa chambre, là où voltigeait l'odeur rassurante des caramels qu'il dissimulait sous son oreiller. Oui, il se rappelait maintenant...

Lorsqu'il s'était réveillé, il avait regardé par la fenêtre. Dans la cour se dressait un arbre énorme et austère, enfoncé dans l'herbe mouillée par la rosée, comme le mât d'un bateau coulé dans une mer de billes vertes. Le solide tronc du monstre d'écorce et ses branches sinueuses semblables à de vieux doigts noueux se découpaient dans un ciel d'ambre presque irréel. Comment avait-il pu percer le sol et s'élever jusqu'aux nuages en une seule nuit? Peu importe, l'enfant n'avait qu'une envie : escalader cet arbre.

Il revit la cour, qui était comme un tapis de brindilles aux reflets d'émeraude. Le ciel, par endroits, était voilé d'un brouillard sombre qui semblait se mouvoir malgré l'absence du vent. Les ténèbres régnaient encore au zénith, malgré les couleurs vives qui envahissaient l'horizon. La cime de l'arbre allait se perdre dans ce cercle fuligineux. La lune, disque blafard, lui avait fait penser à une pièce de monnaie au fond d'un bassin d'eau obscure.

L'écorce du colosse de bois était d'un brun violacé et fleurait la rose. Des gouttelettes colorées coulaient sur sa peau rêche, telles des larmes d'améthyste. Il avait ensuite vu son père sur le sol, la tête appuyée sur une racine de l'arbre. Comme il avait l'habitude de faire la sieste à l'extérieur, l'enfant ne s'était pas étonné de le voir là, un léger sourire dessiné sur ses lèvres.

L'enfant s'était mis à grimper. Plus il avançait, plus le parfum était enivrant. Une voix avait alors murmuré des mots inintelligibles, qui se transformèrent en une berceuse que l'on chante pour endormir un enfant. L'odeur de rose était si intense, qu'en prenant une bouffée d'air, l'enfant avait senti ses jambes flageoler. Des poussières s'étaient mises à voler autour de lui et à décrire des volutes légères dans l'air, telles des cendres de papier. Il avait vu s'émietter la branche sur laquelle il était perché, puis il s'était subitement senti très léger. Et le ciel sombre avait fait place au brouillard.

L'enfant ouvrit les yeux. Le brouillard s'était complètement dissipé. Il se leva et observa le sol derrière lui. Ses yeux s'ouvrirent grand lorsqu'il se vit, étendu dans l'herbe, immobile, tout comme l'était son père. Et il comprit.

Il entendit de nouveau la voix; c'était celle de sa mère, qui appelait son fils amoureusement. L'enfant, rassuré, se remit à grimper.

Au loin, il vit des hommes en uniforme avancer dans les champs. Certains portaient de longs bâtons au bout desquels flottaient des tissus rouges décorés d'une croix noire qui tenait dans un cercle blanc. Des flammes et de la fumée noire s'échappaient des maisons. Il entendit plusieurs fois le tonnerre, suivi de cris de femmes et d'enfants. Les hommes approchaient rapidement. L'un d'eux pénétra dans la cour. Il jeta un coup d'œil à l'arbre et ne sembla pas apercevoir l'enfant qui grimpait toujours. L'homme fut étonné, lorsqu'en s'agenouillant près du corps du père et de son fils, il vit sur leurs lèvres un doux sourire ainsi que quelques larmes séchées sur leurs joues qui avaient laissé une trace violacée.

Mélina Gagné-Pelletier (ex aequo), Cégep de Matane;

Mélina Gagné-Pelletier en

compagnie de Christine

Portelance, directrice du Module

de Lettres (1er cycle) de

l'Université du Québec

à Rimouski

LA PEUR DES AUTRES

L'odeur de terre mouillée s'éleva avec la brume jusqu'à ses narines; il en eut presque la nausée. Le parfum puissant du marécage, avec ses eaux croupies et sa végétation décomposée, étourdissait ses sens jusqu'à la suffocation. Mais ce fut l'abondance de l'horizon qui l'acheva, le faisant tituber dans la fange, le regard vitreux et perdu. Le crachin coulait sur son front comme une sueur froide, et il ne sut si c'était le vertige ou l'humidité glaciale qui le faisait trembler de tous ses membres. Soudain pris de faiblesse, il se laissa aller à s'appuyer contre les portes métalliques, tentant de reprendre contenance et d'habituer son souffle à cet air nauséabond.

Vingt ans de vie sous terre, à fuir les catastrophes naturelles du réchauffement climatique, ne l'avaient pas préparé à ce choc. Sa vue s'était habituée aux espaces clos et synthétiques, ses poumons à l'oxygène filtré de toutes odeurs et de toutes impuretés, sa peau à une température parfaitement régulée pour convenir au corps humain. Revenir aussi brusquement à un lieu naturel et sauvage demandait une nouvelle adaptation de ses sens... mais il n'était pas le plus sévèrement touché. à ses côtés, il pouvait voir ses enfants, pétrifiés de stupeur et d'anxiété, proches de l'hyperventilation, désarçonnés pour la première fois de leur vie en contemplant un monde trop vaste, trop différent, trop incertain.

Même en étant de ces adolescents forts et intelligents, remplis de ce courage et de cette détermination qui font la beauté de cet âge, ils ne pouvaient faire autrement que rester là, figés par l'angoisse de l'inconnu. Ils avaient peut-être la jeunesse, mais pas l'expérience. Après tout, lors de l'évacuation pour les cités souterraines, ils n'étaient pas encore nés. Comment auraient-ils pu seulement se souvenir de ce qu'était le monde extérieur, alors qu'ils n'avaient connu que l'univers rassurant et paisible des sous-sols humains? Lui, il l'avait vécue, cette vie hors de terre. Durant quarante ans, il avait vu le soleil se lever dans le ciel et se coucher très loin au-delà de l'horizon, vu les rivières couler et les arbres se courber sous le vent, et vu les saisons défiler avec la pluie et la neige. Mais si lui avait l'expérience, il n'avait plus la jeunesse, et ses soixante ans lui pesaient soudain.

Seule Karine restait inébranlable. Elle se tenait droite, les sens en éveil, solide et alerte comme un fauve à l'affut. Elle était jeune, dans le début de la vingtaine, mais ses entraînements militaires avaient forgé son caractère en la préparant à toutes les éventualités, en particulier celles concernant un retour à l'extérieur. Son rang prématuré de capitaine, qu'elle avait gagné à la sueur de son front avec une détermination et un sens incroyable de leadership, faisait d'elle une élite. L'inconnu ne lui faisait pas peur, et elle savait l'affronter sans broncher. Ce fut elle qui secoua les enfants, leur passant rapidement un sermon en leur rappelant que c'était eux qui avaient tenu à venir, n'hésitant pas à les menacer de les retourner illico à l'intérieur s'ils continuaient d'être des boulets.

Les deux adolescents avaient protesté vivement et, mal assurés, avaient fait leurs premiers pas sur ce sol spongieux et incertain si différent des planchers bien droits et vernis de l'intérieur. Quand la capitaine s'était tournée vers lui, cependant, un voile d'inquiétude passa devant ses prunelles. Elle l'aida à se relever, lui demandant si tout allait bien. C'est vrai qu'il n'avait plus l'âge pour tout ça... Mais pouvait-il faire autrement que de les suivre, mort d'inquiétude de ne pas pouvoir être là pour les protéger? Il aurait été tout simplement incapable de rester à l'intérieur, de voir ses enfants si jeunes et téméraires se proposer comme vaillants premiers explorateurs et d'attendre anxieusement chacune de leurs communications radio...

Tout ça, Karine le lut probablement dans ses yeux, car elle lui sourit d'un air encourageant.

« Ne faites pas cette tête-là. Nous allons nous en sortir. »

Son sourire était franc, mais son regard avait quelque chose de trop dur pour être sincère. Comme si, au-delà de son masque de meneuse d'hommes, quelque chose s'était imperceptiblement fendillé.

« Et puis... je vais avoir besoin de vous. »

Alors qu'elle se retournait, enjambant quenouilles et touffes d'herbes jaunies pour rejoindre les gamins, il réalisa qu'elle aussi avait peur.

Peur d'échouer.

Grande gagnante, catégorie 3e et 4e secondaires (Bourse d’écriture de 300$) :

Maggie Ménard, école Paul-Hubert, Rimouski, Commission scolaire des Phares

Maggie Ménard en

compagnie d'Alain Rioux,

vice-président de l'Unité

Régionale de Loisir et de

Sport du Bas-Saint-

Laurent.

Le salvateur

« On va finir par manquer d'oxygène », se dit le jardinier en voyant arriver le 50e conteneur sur lequel était inscrit : « Fragile : éléments vivants à l'intérieur ».

Je jetai un rapide regard vers les pauvres gens qui se trouvaient derrière moi. Je voyais bien qu'ils peinaient à respirer et qu'ils espéraient fortement que quelqu'un les secoure. Je savais pertinemment que leur vie dépendait de mes agissements. Cependant, n'était-ce point un trop lourd fardeau pour un simple garçon de quatorze ans?

Cette situation dans laquelle nous nous trouvions avait débuté exactement cinq ans auparavant, lorsque l'inconscience de l'humanité était encore flagrante. à cette époque, je n'étais âgé que de neuf ans. J'étais un innocent enfant qui ne comprenait rien à la vraie nature de l'être humain. Je pris en maturité quand ma chère jumelle succomba à son tour de cette maladie. En effet, une épidémie s'était répandue sur tout le continent. Ce trouble causait une contraction progressive des voies respiratoires supérieures, ce qui, avec le temps, entravait le passage de l'air aux poumons et provoquait une mort certaine.

Au commencement, cette maladie portait le nom d'ABA 666, « Arme bactériologique américaine 666 ». Elle était conçue pour servir de contre-attaque en cas de guerre. Cependant, dû à l'inattention d'un des expérimentateurs, le virus se propagea hors du laboratoire et contamina rapidement toutes les zones de l'Amérique du Nord. Au grand désarroi de tous, aucun antidote n'avait encore été produit. Lors des premières années, quelque deux millions de personnes avaient péri. Dès qu'un individu contractait le virus, son espérance de vie se situait entre deux et sept jours, tant il était mortel.

Heureusement, un remède fut découvert il y a peu. En contrepartie, une incalculable quantité de vies humaines avaient déjà été prises, celle de ma soeur également. Un biologiste québécois réalisa que l'amaryllis, une fleur des plus banales, avait des propriétés médicinales ayant la capacité de bloquer l'évolution de la maladie et d'éliminer le virus du corps.

Je cessai de ressasser les événements passés et me concentrai sur la situation actuelle. Le conteneur reçu plus tôt contenait une quinzaine de mixtures à base d'amaryllis fraîchement cueillies. J'avais énormément de difficulté à respirer normalement. Je ne voulais pas que les autres apprennent que j'étais moi aussi atteint de l'ABA 666. Je distribuai le médicament à chaque personne présente. à mon grand soulagement, il y en eut assez pour tout le monde. Enfin, pour tous sauf pour moi. Je m'éloignai du groupe et m'appuyai à un arbre. Je sentais mes forces me quitter peu à peu. Ma fin était proche. Avant de fermer définitivement les yeux, j'aperçus la silhouette de ma soeur. Elle me sourit et dit :

« Nous voilà de nouveau réunis, mon frère

Gagnante, catégorie 5e secondaires (Bourse d’écriture de 200$) :

Amélie Côté, école Paul-Hubert, Rimouski, Commission scolaire des Phares

Amélie Côté en compagnie

de Diane Dubé,

coordonnatrice du Bureau

régional de Télé-Québec

L'ironie du sort

Elle reprit son souffle sous le pommier en fleurs. « Si seulement les ronces n'avaient pas déchiré ma robe! » Secouée par l'émoi et la stupeur qui avaient jailli en elle à la suite de cette vision d'horreur, elle tenta vainement de reprendre ses esprits.

Ayant été portée, la matinée durant, par le rythme lent de l'allégresse et par l'insouciance naïve de l'ignorance, le brasier de haine et de repentance qui fulminait désormais en elle, faisait contraste avec les états d'esprit emplis de félicité qui l'avaient animée quelques instants plus tôt. Or, à ce moment, elle était loin de se douter que derrière les cascatelles céladon des grands saules se trouvait le tournant de ses tourments. Nonobstant, c'est fort insidieusement que les chétives allées de ronces jonchant la sente l'avaient menée là, sur le seuil de son jardin. Elle, jeune enfant ingénue qu'elle fut, obnubilée par la source intarissable de faste que lui semblait le monde en ces fugaces instants, s'était laissé guider, victime impuissante de son destin. Son monde, autrefois empreint d'utopie, s'était inopinément flétri.

Béante d'étonnement devant le spectacle que lui offraient ses yeux, elle ne pouvait reprendre possession de ses moyens, à cause de l'acuité de la crise intérieure qui l'habitait. Devant elle, une imposante structure vitrée s'élevait vertigineusement vers le ciel, se recourbant en ses extrémités afin de former un dôme immense autour de son jardin. Néanmoins, ce qui l'importunait n'était point cette chose se retrouvant tout autour d'elle, mais ce qu'elle y voyait bien au-delà.

Cette enveloppe vitrée reflétait la noirceur d'un monde dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence. Sous ses yeux déferlaient des centaines de milliers de kilomètres de forêts battues, de terres violées et d'océans taris. L'eau se faisait rare dans ce monde exsangue, qu'on aurait dit opprimé par un bourreau. Un épais manteau de brouillard tissé de poussière et de gaz enveloppait l'air. Les rares humains qu'elle voyait semblaient agoniser. En guise d'arrière-plans à ce funeste portrait figuraient d'immenses cheminées, grandes bouches ouvertes, crachant leurs vilenies vers le ciel.

La blancheur immaculée des nuages au dessus de sa tête l'éblouissait tant la noirceur de l'autre monde avait alangui son regard. Sous ses pieds se dérobait un tapis de fleurs diapré de pélargoniums, qui exhalait un doux parfum printanier. Pourtant, ce parfum lui faisait mal. Elle avait mal de si bien respirer tandis que d'autres, non loin de là, s'asphyxiaient d'un air devenu âpre. Des rayons de lumière réfléchis sur sa peau de neige illuminaient son teint poudré. Son âme, au contraire, n'était plus que noirceur et résipiscence. Celle qui vivait depuis toujours dans l'opulence et la morbidesse se voyait dorénavant rongée par des questions sans issue.

était-ce elle le bourreau de cette terre qui se meurtrissait sous ses yeux? était-ce son mode de vie égotique et son irrévérence envers Dame nature qui avait causé le déclin de ce monde qui l'entourait? N'ayant jamais pris la peine d'aller voir au bout de son jardin, cintrée dans son étroitesse d'esprit, elle éprouvait maintenant le monde tel qu'il était manifestement. Alors que son innocente ignorance avait été brimée, elle maudissait cette robe qui l'empêchait désormais de bien vivre.

Après tout, c'est par sa faute qu'elle avait heurté les ronces. Fascinée par leur présence dans son jardin, elle avait entrepris de suivre leur progression le long de la sente. Le reste de l'histoire ne vous est guère inconnu. C'est fortuitement ou plutôt par un hasard en connivence parfaite avec le destin qu'elle s'était retrouvée le nez collé à cette « écorce fabuleuse ». Cette baie vitrée qui, telle l'écorce protégeant le tronc des agressions du monde extérieur, l'abritait elle, petit être abject, du vil du monde qui l'entourait.